Banque de citations

L'émancipation créatrice renvoie à une libération et une arrivée à l'âge adulte. En effet, dans le droit romain, l'enfant dépendait de son père jusqu'à son émancipation c'est-à-dire sa majorité, comme l'esclave avant d'être affranchi. Ce n'est qu'ensuite que l'un ou l'autre pouvait exercer ses droits en homme libre. Par extension, l'émancipation désigne aujourd'hui toute prise d'indépendance vis-à-vis d'une contrainte forte, qu'elle soit religieuse, familiale, sociale, sexuelle, etc.

Les synonymes possibles : majorité, libération, délivrance, indépendance.

Le thème ouvre très largement donc beaucoup de citations conviennent :

L'idée du poète exclu de la société/incompris :

- "L'albatros" de Charles Baudelaire : "Exilé sur le sol au milieu des huées/ses ailes de géant l'empêchent de marcher".
- Dans son poème intitulé "Le Cygne", Charles Baudelaire exprime cette idée une nouvelle fois : "Et, de ses pieds palmés frottant le pavé sec,/ Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage".
- Baudelaire demande lui-même : "qu'est-ce qu'un poète sinon un traducteur, un déchiffreur" ?, appuyant l'idée exprimée par Arthur Rimbaud pour qui le poète est un "voyant".

Pour le côté émancipation :
- Jean-Paul Sartre affirme "les poètes sont des hommes qui refusent d'utiliser le langage" dans Qu'est-ce que la littérature ?, montrant que la création s'émancipe de la fonction première de la langue et de sa possibilité de communication explicite, efficace.
- Francis Ponge affirme : "écrire, c'est refaire". Il montre l'importance de la réécriture, de l'intertextualité dans la création.
- Charles Baudelaire prétend que les poètes sont des alchimistes capables de transofmer la laideur en beauté : "tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or".

Pour la création/créativité :
- Un poète du XXe siècle, Yves Bonnefoy, évoque l'écriture comme une forme d'optimisme en affirmant : "il faut identifier poésie et espoir".
- Théophile Gautier : "L'art pour l'art : il n'y a de vraiment beau que ce qui peut nous servir, tout ce qui est utile est laid".
 

Exemple de sujet de dissertation :

"Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud !" s'exclame René Char dans Fureur et mystère en 1948. Comment Les Cahiers de Douai illustrent-ils le titre du poème de René Char ?

Problématique : Comment l'émancipation a-t-elle permis la création chez Arthur Rimbaud ? ou Dans quelle mesure le style littéraire de Rimbaud a-t-il évolué grâce à ses fugues ?

Idées en vrac, brouillon :

Utilisation de la poésie pour s'affranchir de l'adolescence et devenir indépendant

Ironie et satire pour dénoncer l'ordre établi en France

Naissance d'une poésie rimbaldienne

Fugues  = émancipations, errances, découvertes

Une écriture de tout jeune homme

Un marginal : prison, parcours de rebelle

Primo Lévi : s'affranchir de la laideur pour faire du beau

Intertextualité : Rimbaud s'inspire de Victor Hugo

L'exil des poètes : Rimbaud, Hugo / des auteurs : Abbé Prévost

Emancipation : familiale/politique/religieuse

Aristote : "placere et docere" : la poésie plaît et instruit en même temps, comme le montrent les poèmes "Melancholia" et "Les Effarés".

"On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans", Arthur Rimbaud, poème "Roman"

Sources d'inspiration variées : guerre, affection, nature, etc.

Le poète est un voyant qui initie son lecteur à une nouvelle vision du monde.

Emancipation dans la forme : rejets, rythme plus saccadé

I/ L'émancipation rimbaldienne

A/ Avant de s'émanciper, il faut connaître le cadre et son héritage. Rimbaud connaît ses classiques sur le bout des doigts et se les approprie en les réécrivant : Molière dans "le châtiment de Tartuffe", Shakespeare dans "Ophélie". En les réécrivant, il se libère de son éducation bourgeoise et du carcan religieux, moral qu'elle implique. Cela se manifeste également dans ses fugues : "mon auberge était à la Grande-ourse" ("ma bohème") Rimbaud ; et dans ses fréquentations puisqu'il vit un amour passion avec le poète Verlaine (l'écart d'âge est alors jugé scandaleux, au même titre que le caractère homosexuel de leur relation).

B/ Une critique de l'ordre socio-économique, du capitalisme en plein essor avec la révolution industrielle : "les effarés" conteste le sort des enfants pauvres comme "Melancholia" de Victor Hugo = révolte sociale

C/ Une dénonciation de l'ordre politique et militaire : la guerre franco-prussienne fustigée ("le dormeur du val"), Rimbaud se positionne en ennemi de Napoléon III comme Victor Hugo

II/ Le poète : un être libre et créateur

A/ Il invente de nouvelles formes : octosyllabes + tétrasyllabes pour "les effarés" ; multiplie les enjambements/rejets : "haillons/d'argent" dans "le dormeur du val" par exemple ; mélange les genres littéraires :"roman" est un poème ; d'autres poèmes s'inspirent du théâtre ; "les effarés" ressemblent à une réécriture du conte Hansel et Gretel et Rimbaud se décrit en "petit poucet rêveur" dans "ma bohême" ; etc.

B/ Puisqu'il crée, il est aussi un être marginal, qui n'utilise pas le langage pour communiquer des informations prosaïques : il dévoie les mots de leurs sens habituels pour leur offrir d'autres possibilités. Les vocables deviennent des images qui signifient autre chose ("trou clair" pour le four dans "les effarés", "cresson bleu" dans "le dormeur du val", : Rimbaud est un précurseur du symbolisme.

C/ Cette marginalité du poète qui voit plus loin que les autres s'exprime sous la plume de Rimbaud pour qui le poète est un "voyant". Mais l'émancipation est parfois synonyme de souffrance : "âpre liberté" écrit-il dans le poème "Ophélie". Il s'exprime en énigme, voit le beau même sous le laid ce qui lui vaut parfois d'être incompris. Baudelaire affirme : "le Poète est semblable au prince des nuées/qui brave la tempête et se rit de l'archer/Exilé sur le sol au milieu des huées/ ses ailes de géant l'empêchent de marcher" ("L'Albatros").

III/ La quête poétique créatrice

A/ Le poète est capable de sublimer le mal et le malheur : "tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or" Baudelaire ; "les effarés" de Rimbaud ; "la blanche Ophélia flotte comme un grand lys" : il voit une belle fleur là où flotte un cadavre

B/ L'artiste, dans son geste créateur, se réalise lui-même, et invite son lecteur à faire de même : nos écrits comme nos lectures nous forment, nous forgent, font notre culture et notre identité, font de nous qui nous sommes : "placere et docere" d'Aristote

C/ La poésie est universelle : "insensé qui croit que je ne suis pas toi !" Victor Hugo. Nous ressentons tous un jour la fougue de l'adolescence et l'envie de Carpe Diem qui s'y rattache, comme le décrit Rimbaud dans "roman". Nous éprouvons tous la compassion devant "le Mendiant" de Victor Hugo, "Les Effarés" de Rimbaud. Nous éprouvons tous la solitude, la perte ou le deuil : "un seul être vous manque et tout est dépeuplé" (Lamartine). Nous ressassons tous nos erreurs passées comme Victor Hugo dans "la coccinelle".