Molière

Objet d’étude : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle 

Parcours : théâtre et stratagème 

Molière 

Les Fourberies de Scapin, 1671 

Acte III, scène 2 

 

SCAPIN. 

Cachez-vous. Voici un spadassin qui vous cherche. (En contrefaisant sa voix.) "Quoi ? Jé n'aurai pas l'abantage dé tuer cé Geronte, et quelqu'un par charité né m'enseignera pas où il est ?" (À Géronte avec sa voix ordinaire.) Ne branlez pas. (Reprenant son ton contrefait.) "Cadédis, jé lé trouberai, sé cachât-il au centre dé la terre." (A Géronte avec son ton naturel.) Ne vous montrez pas. (Tout le langage gascon est supposé de celui qu'il contrefait, et le reste de lui.) "Oh, l'homme au sac !" Monsieur. "Jé té vaille un louis, et m'enseigne où put être Géronte." Vous cherchez le seigneur Géronte ? "Oui, mordi ! Jé lé cherche." Et pour quelle affaire, Monsieur ? "Pour quelle affaire ?" Oui. "Jé beux, cadédis, lé faire mourir sous les coups de vaton." Oh ! Monsieur, les coups de bâton ne se donnent point à des gens comme lui, et ce n'est pas un homme à être traité de la sorte. "Qui, cé fat dé Geronte, cé maraut, cé velître ?" Le seigneur Géronte, Monsieur, n'est ni fat, ni maraud, ni belître, et vous devriez, s'il vous plaît, parler d'autre façon. "Comment, tu mé traites, à moi, avec cette hautur ?" Je défends, comme je dois, un homme d'honneur qu'on offense. "Est-ce que tu es des amis dé cé Geronte ?" Oui, Monsieur, j'en suis. "Ah ! Cadédis, tu es de ses amis, à la vonne hure." (Il donne plusieurs coups de bâton sur le sac.) "Tiens. Boilà cé que jé té vaille pour lui." Ah, ah, ah ! Ah, Monsieur ! Ah, ah, Monsieur ! Tout beau. Ah, doucement, ah, ah, ah ! "Va, porte-lui cela de ma part. Adiusias." Ah ! diable soit le Gascon ! Ah ! 
En se plaignant et remuant le dos, comme s'il avait reçu les coups de bâton. 
GÉRONTE, mettant la tête hors du sac. 

Ah, Scapin, je n'en puis plus. 
SCAPIN. 

Ah, Monsieur, je suis tout moulu, et les épaules me font un mal épouvantable. 
GÉRONTE. 

Comment, c'est sur les miennes qu'il a frappé. 
SCAPIN. 

Nenni, Monsieur, c'était sur mon dos qu'il frappait. 
GÉRONTE 

Que veux-tu dire ? J'ai bien senti les coups, et les sens bien encore. 
SCAPIN. 

Non, vous dis-je, ce n'est que le bout du bâton qui a été jusque sur vos épaules. 
GÉRONTE. 

Tu devais donc te retirer un peu plus loin, pour m'épargner... 
SCAPIN lui remettant la tête dans le sac.[…] 

 

 

Introduction :

Auteur :________________________, Jean-Baptiste Poquelin, 1622 – 1673 ; dramaturge et comédien français, chef de la troupe « l'________________________ théâtre ». Veut dans ses comédies peindre les mœurs de son temps et en dénoncer les défauts.

Pièce : ________________________ de Molière en trois actes, en ________________, écrite en 1671. Inspirée de la comédie italienne (commedia dell’arte) et de la farce.

Personnages de cette scène :

– ___________________ : Personnage cupide, riche et ingénu. Maître de Scapin et père de Léandre (qui est amoureux de Zerbinette). Le rôle du maître s'inspire de la tradition du théâtre italien : c'est un vieillard (étymologie de son nom : géronte = vieillesse) naïf et stupide / vieux barbon → Scapin lui a déjà soutiré cinq sans écus pour sortir d’affaire son fils « que diable allait-il faire dans cette galère » (comique de répétition). Lâche et peureux, se cache dans un sac pour se protéger.

– _____________________ : héritier des valets de la commedia dell’arte, astucieux, doué dans l’art de la tromperie et sert ses propres intérêts. Valet qui accepte d'aider deux jeunes gens, Octave et Léandre, que leurs pères abusifs veulent marier contre leur gré. Cela lui permet également de régler ses comptes avec son maître, Géronte.

Passage : Dans cette scène, Scapin veut se venger de son maître des mauvais traitements qu’il a subis de sa part. Il fait croire à Géronte qu'on le cherche pour le tuer et le persuade de se cacher dans un sac. Le spectateur, complice de Scapin, en sait plus que le maître sur la situation. Attente du spectateur par rapport à la vengeance de Scapin. Extrait comique, carnavalesque : traite de la relation entre le maitre Géronte et le valet Scapin ; relation inversée dans ce passage.

Mouvement littéraire : ________________________ . Rappel : Les pièces classiques durent souvent 3 actes pour les comédies (souvent 5 pour les tragédies). Règle des trois unités + vraisemblance + bienséance. Les règles du théâtre classique ont une finalité : plaire et toucher le public. L’unité d’action  = La pièce ne doit mettre en scène qu'une seule action principale, une intrigue unique. L’unité de temps = L’intrigue de la pièce doit se dérouler dans un seul jour (24 heures).  L’unité de lieu = L’action de la pièce doit se dérouler dans un seul endroit, ceci notamment dans un souci de vraisemblance.

Qu’est-ce que la vraisemblance ? La vraisemblance est le fait de rendre crédible aux yeux du public le déroulement et le contenu de la pièce. L’intrigue doit donc pouvoir être « possible » dans la vie « réelle ».

Qu’est-ce que la bienséance ? La bienséance est le fait de ne pas choquer les conventions esthétiques et orales admises par le public de l’époque. Les évènements violents (batailles, meurtres) ou intimes (baisers) ne sont pas joués sur scène. Ils ne peuvent que faire partie d’un récit.

 

Problématique : ………………………………………………………………………………………………………….

Plan : ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………



I. Une mise en scène de Scapin : la mise en abyme

De "SCAPIN.- Cachez-vous" à "Ne vous montrez pas."


Scapin vient du latin Scapare qui signifie : s’échapper. Scapin est décrit dans la pièce de Molière comme un serviteur rusé toujours capable de trouver un moyen de se sortir de situations embarrassantes. Ici, il fait semblant d’aider Géronte mais il est hypocrite (d’ailleurs, au sens étymologique du mot, hypocrite signifie acteur).


Dès le début de l'extrait, Scapin utilise ________________________ pour donner des ordres à son maître Géronte =  inversion des rôles sociaux (« Cachez-vous », « Ne branlez pas », « Ne vous montrez pas »). Molière, comme ________________________ et Beaumarchais plus tard, dresse une satire sociale dans sa pièce, invitant le spectateur à la réflexion, au-delà du rire. Scapin utilise des phrases courtes enchaînées : Scapin montre ici une urgence, c'est lui qui distribue les rôles.

 

Ligne 1 : « Voici un spadassin qui vous cherche ». Voici est un ________________________, il augmente vise à faire peur à Géronte en renforçant l’urgence de se cacher. Spadassin = assassin, tueur à gages, mercenaire. Scapin veut faire peur à Géronte et Géronte entre dans son jeu. La ________________________ « En contrefaisant sa voix » montre que Scapin joue un rôle, c'est du théâtre dans le théâtre, c'est une ________________________. Scapin est réellement malin et parfois mal intentionné, c’est-à-dire fourbe, comme l’indique le titre de la pièce.
On a une ________________________ avec les deux rôles joués par Scapin. L’auteur joue sur cette double énonciation pour ridiculiser Géronte par ce quiproquo.  L’impératif et la ________________________ « ne branlez pas » (ligne 3) indique que le serviteur mène la danse.
Scapin imite le faux spadassin, l'inversion des rôles continue : c'est le valet qui fait peur au maître égoïste et lâche. L'inversion des rôles crée un ________________________ de ________________________.

Scapin utilise le verbe d’action « __________ » (ligne 2) ainsi qu’une hyperbole « Sé cachât-il au centre de la Terre » (ligne 4) : Construction du personnage du spadassin comme quelqu'un ayant une grande haine envers Géronte ce qui va augmenter sa peur, permettant à Scapin de mieux le dominer.
L'accent gascon que prend Scapin montre également l'aspect comique de la scène, il fait rire le spectateur.

Cet accent dévoile deux détails de la vie de Molière :
- il a été dans une troupe dans le midi de la France dans les années 1650
- il a d’abord été comédien (avant d’écrire ses pièces) et l’est resté jusqu’à sa mort. C’est la scène qui le passionne.

Ligne 7 : Scapin fait semblant de résister à la ________________________ car un « louis » représente une somme d’argent relativement importante pour une information.

Nous avons donc une inversion des rôles qui crée un effet comique dans cette scène qui est à son apogée dans le second mouvement.


II. Un dialogue imaginaire montrant le clou du spectacle

De « Tout le langage gascon est supposé » à « Ah ! diable soit le Gascon ! Ah ! »

L'________________________ « Oh » dans « Oh, l'homme au sac ! » marque le début du dialogue imaginaire.

Le faux dialogue entre Scapin et le spadassin crée un effet comique, grâce à l'_______________________ d'insultes à l'égard de Géronte. Nous voyons une ________________________ doublée d’un rythme ________________________ : « fat, maraut, velître » : chaque mot a une syllabe de plus que le précédent, montrant la gradation dans l'insulte = comique de mot, ici Scapin transgresse les codes.

Vocabulaire des insultes : Replacez la bonne insulte en face de sa définition.

________________________ : mot ancien pour mendiant, coquin, gueux.

________________________ : Médiocre mais très satisfait de soi ; content (de soi), infatué (de sa personne), prétentieux, suffisant, vaniteux, qui se conduit avec grossièreté (notamment avec les femmes).

________________________ : coquin, fripouille, faquin ; S'emploie comme terme d'adresse insultant, pour mépriser un homme du peuple.


Scapin en prenant faussement la défense de son maître renforce son aspect de bon valet aux yeux de Géronte : « Le seigneur Géronte, Monsieur, n'est ni fat, ni maraud, ni belître, et vous devriez, s'il vous plaît, parler d'autre façon ». En réalité, le fait de reprendre les insultes une à une, en parallélisme, renforce encore ces insultes en les répétant. La négation n’est d’ailleurs que ________________________, sous-entendant qu’il a d’autres vices. Scapin valorise Géronte par un vocabulaire ________________________ que le spectateur comprend comme des ________________________ : « le seigneur Géronte, des gens comme lui, pas un homme à être traité de la sorte, homme d'honneur », etc. quand il est dans son rôle de Scapin, pour mieux l'insulter dans son rôle de spadassin. Les deux discours fonctionnent en miroir, en ________________________. Le discours valorisant que Scapin tient de son maître s’avère constitué d’antiphrases à effet comique puisque le spectateur voit la trahison dont il se rend coupable.
L’utilisation du mot « amis » (ligne 15) est ________________________  puisqu’il s’affirme l’ami de Géronte tout en agissant comme son ennemi en le dupant = renforce le comique.
L'interrogative à tournure exclamative « Comment, tu mé traites, à moi, avec cette hautur ? » montre un sentiment de colère, avec un crescendo de la tension dramatique.

Scapin, avec la tournure « comme je dois », montre sa ________________________ rhétorique car le « je dois » peut renvoyer au devoir (le valet qui défend son maître) ou à l'obligation (obligation de défendre son maître), auquel cas, c'est donc fait à contre-cœur.

On a une confrontation qui atteint son comble avec les coups de bâtons indiqués par la didascalie « Il donne plusieurs coups de bâton sur le sac ». La scène est drôle avec un comique de gestes très fort et marqué = farce, d'autant plus que le spadassin n'est pas censé savoir que Géronte se cache dans le sac, donc ne devrait pas donner de coups de bâton dessus. La répétition des interjections « Ah » combinée à la double énonciation renforce l'aspect comique. A travers ces coups de bâtons, Scapin incarne ce valet fourbe issu tout droit de la comedia dell'arte. Il abuse de son maître tout en se présentant comme un valet exemplaire ce qui donne lieu à une scène qui est fortement comique car le maître est dupe. La tension dans la pièce est à son apogée.


III. Un dialogue entre maître et valet qui donne l'illusion d'un retour à la normale

De « En se plaignant et remuant le dos » à la fin de l'extrait.

La didascalie « En se plaignant et remuant le dos, comme s'il avait reçu les coups de bâton » montre que Scapin ajoute maintenant les gestes à son jeu, puisque Géronte peut maintenant le voir, augmentant ainsi l'effet comique et la mise en abyme : Scapin est un véritable acteur dans cette pièce. La fourberie continue car Scapin n'a en réalité pas reçu de coups de bâton, ce que sait le spectateur.
La didascalie « mettant la tête hors du sac » (ligne 21) montre aussi le comique de la situation : un sac avec juste la tête de Géronte qui en dépasse, comme un diable qui sort de sa boîte = situation ridicule.
Scapin est dans l'exagération, dans l'________________________ : « je suis tout moulu, et les épaules me font un mal épouvantable » (ligne 23). Dans le parallélisme de construction « GÉRONTE.- Comment, c'est sur les miennes qu'il a frappé. / SCAPIN.- Nenni, Monsieur, c'était sur mon dos qu'il frappait. », on a l'utilisation du passé composé pour Géronte, montrant une action antérieure, qui est finie, et l'utilisation de l'imparfait pour Scapin, comme si l'action durait plus longtemps ce qui met en avant un aspect comique par l'exagération.

Même lors du retour à la normale, Scapin s'oppose à son maître : « Nenni, Monsieur », « Non, vous dis-je ». C'est impertinent de la part de Scapin, insolent pour un valet.

La construction en __________________ insiste sur la douleur de Géronte : « J'ai bien senti les coups, et les sens bien encore » [bien sentir=A][les coups = B] <=> [les = B][sentir bien = A]).

Géronte tente de retrouver sa supériorité, sa fonction de maître, avec une injonction au passé : « Tu devais donc te retirer… ». C’est une forme de reproche.

Mais c'est ce moment que Scapin choisit pour lui remettre de force la tête dans le sac (didascalie « Lui remettant la tête dans le sac ») : lorsqu'il tente de montrer son rôle de maître, Géronte est coupé, Scapin l'empêche de le surpasser. Scapin transgresse une fois de plus la relation maître/valet, alors que l'on avait l'illusion d'un retour à la normale, Scapin recommence ses ruses.

Jouissance du spectateur à voir le maître battu par le valet et absence de compassion pour ce maître égoïste et lâche. Fonction ____________________________ de la comédie (en assistant à cette inversion des rôles, le public se libère de ses pulsions, vivant par procuration ses propres désirs cachés). Le rire naît de la libération, du plaisir de voir sur scène ce que le monde réel interdit.

Conclusion :

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Pour voir la scène : https://www.youtube.com/watch?v=tKKUR7wIluo (1h00)

 

Plan possible pour un commentaire composé

A partir des éléments du texte, retrouvez quels sont les titres des sous-parties puis des grands axes du commentaire proposé

Première partie

(idée générale la plus évidente, la plus facile à trouver)

Première idée

Le comique de geste et de parole

Didascalies, interjections « ah »

Hyperboles violentes

Comique de parole avec l’accent gascon/ déformation des mots

Deuxième idée

Metteur en scène : choisit ses accessoires (bâton, sac), ordres à Géronte

Comédien : joue son rôle de valet exemplaire et celui du spadassin sanguinaire

Troisième idée

Comme dans une farce populaire, le valet est rusé, le maître vieux et naïf, l’humour repose sur les coups de bâtons et un accent jugé ridicule à Paris

Deuxième partie

(idée générale un peu moins visible)

Satire de

Première idée

Géronte = vieillesse/ maître tyrannique et avare mais naïf

Mis dans un sac = manipulé comme un pantin ; quiproquo

Deuxième idée

Volume de parole important + ordres = domination verbale

Vocabulaire violent

Bat son maître (bâton), inversion comique

Troisième idée

 (message politique)

La vie, la sécurité des uns dépend des autres : sans entente hypocrite ou sincère, aucun ne peut vivre convenablement. Il est question de la confiance entre les deux, entre les membres de la société d’ordres inégalitaire = critique des nobles

Troisième partie

(idée générale difficile d’accès, pas évidente du tout de prime abord)

Un stratagème pour

Première idée

Violence des maîtres envers leurs valets, ordinairement ; violence des mariages arrangés ; violence verbale fréquente

Deuxième idée

L’intelligence du valet lui permet tous les excès, de dénouer toutes les situations et de se faire pardonner

Troisième idée

Un hommage au théâtre : faire rire grâce au spectacle vivant, amuser le spectateur et faire vivre son art : au théâtre, tout est possible